Qui n’a jamais été confronté à la terrible angoisse de la page blanche? Ou de l’écran blanc, d’ailleurs, c’est selon. Mauvaise nouvelle: vous ne pourrez jamais vraiment la vaincre.

Bran: Can a man still be brave if he’s afraid?

Eddard: That is the only time a man can be brave.

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George Martin, A Game of Thrones

L’angoisse de la page blanche, que les anglophones appellent « blocage de l’écrivain » (writer’s block) est un phénomène horriblement commun. Tellement commun qu’on peut presque se demander pourquoi personne n’y a encore trouvé de remède. N’en déplaise aux articles du style « dix astuces pour vaincre l’angoisse de la page blanche », cette soudaine paralyse de la plume ou du clavier n’est pas si aisément vaincue. D’ailleurs, elle ne l’est jamais vraiment. L’angoisse de la page blanche est un phénomène psychologique complexe. Une angoisse. Ecrit-on des articles intitulés « sept trucs pour en finir avec les TOC » ou « surmontez votre syndrome post-traumatique en cinq étapes faciles?

Asseyez-vous et écrivez!

Pendant des années, j’ai moi aussi cherché les moyens d’en finir avec cette plaie des professionnels de la plume. Sans véritable succès. La solution m’est venue sur le tard, il y a moins d’un an, alors que ça fait près de dix ans que j’écris à titre professionnel. Ironie du sort, elle m’est venue au moment d’un grand moment de blocage, alors que je m’efforçais de trouver des idées pour le chapitre de Marketer son écriture consacré… à l’angoisse de la page blanche!

Alors que je réfléchissais à tous les « trucs et astuces » possibles et imaginables, et que je notais ceux qui me semblaient les plus dignes d’intérêt, j’ai réalisé qu’il ne s’agissait que de palliatifs, des dérivatifs qui, bien souvent, ne servaient qu’à procrastiner un coup avant de recommencer à écrire. Car l’angoisse de la page blanche n’est rien d’autre que cela: de la procrastination (nous y reviendrons dans un instant). Par hasard, mon regard a été attiré par un livre que j’avais acheté parce que son titre m’amusait: « The War of Art », de Steven Pressfield. Dès les premières pages du livre, j’ai compris que j’étais tombé sur une petite pépite.

There’s a secret that real writers know that wannabe writers don’t, and the secret is this: It’s not the writing part that’s hard. What’s hard is sitting down to write.

Steven  Pressfield, The War of Art

Pour Pressfield, Le secret que connaissent les vrais écrivains, donc, est que ce qui est difficile, ce n’est pas d’écrire. C’est de s’asseoir pour écrire. Et pour y parvenir, il n’y a qu’un seul truc qui marche: vous forcer à vous asseoir. Et il n’y a que vous qui pouvez y parvenir.

Concrètement?

Nuançons un peu le propos. En réalité, votre blocage n’a que deux causes possibles:

  • vous n’avez pas en votre possession tous les éléments pour écrire
  • vous ne parvenez pas à commencer

La première question à vous poser est donc: êtes-vous prêt à écrire? En clair: avez-vous tous les détails nécessaires? Avez-vous construit un plan de votre futur texte? Si ce n’est pas le cas, votre blocage provient de la certitude – inconsciente – que  vous n’allez pas tarder à caler faute de carburant. À vous d’y remédier en utilisant les techniques de récolte d’informations et de planification de contenu qui vous conviennent le mieux.

La deuxième question vous ramèné à l’affirmation de Pressfield, que je fais mienne: si vous coincez, c’est parce que vous ne vous « forcez » pas assez à surmonter ce blocage. Tout est une question de volonté. Métaphoriquement, vous devez vous mettre un bon coup de pied au derrière. Les techniques pour y parvenir sont identiques pour toutes les disciplines qui requièrent d’exercer volonté et détermination:

  • mettez en place des « rituels » qui vous mettront dans le bon état d’esprit: vous asseoir derrière votre clavier avec un bon thé ou un bon café , par exemple. Attention, ne confondez pas cela et ce vieux truc de procrastination qui consiste à vous asseoir et puis à vous relever en vous disant que vous vous feriez bien une tasse de café! Un autre rituel possible est d’utiliser toujours le même stylo ou le même bloc de papier, de mettre de la musique, etc. L’idée est d’avoir un petit moment – 5 minutes, pas plus- ou vous vous préparez, consciemment ou incsonciemment, à vous asseoir et à écrire
  • réservez des plages horaires à l’écriture: « de 10h à 12h, j’écris, point barre ». Que les mots viennent ou non, soyez derrière votre clavier avec la ferme volonté décrire
  • tentez ce que Merlin Mann appelle le « shitty first draft ». Vous savez bien que votre premier jet sera merdique, mais le fait de commence à écrire (même un mauvais texte) va contribuer à surmonter votre blocage
  • commencez par le milieu: si vous avez un plan, vous savez ce qui vient avant et après, vous pouvez donc allègrement démarrer par le milieu du texte. Vous n’y croyez pas? Regardez ce qu’en disait le grand écrivain Edgar Allan Poe.

Tout, dans un poème comme dans un roman, dans un sonnet comme dans une nouvelle, doit concourir au dénouement. Un bon auteur a déjà sa dernière ligne en vue quand il écrit la première. » Grâce à cette admirable méthode, le compositeur peut commencer son œuvre par la fin, et travailler, quand il lui plaît, à n’importe quelle partie.

Edgar Allan Poe, Genèse d’un poème, in Histoires grotesques et sérieuses

Et ceci sera notre mot de la fin. Bonne écriture!