Hubert et Stuart Dreyfus ont, en 1980, publié une étude (connue sous le nom de Modèle de Dreyfus & Dreyfus) portant sur les 5 stades pour devenir un expert dans un domaine.
Cet article a pour but d’essayer d’adapter leur théorie aux community managers et aux médias sociaux pour que vous puissiez identifier à quelle stade d’expertise se trouve un futur employé ou une agence à qui vous pensez faire appel.
1-. Apprentissages
Quiconque souhaitant acquérir une nouvelle compétence est confronté à deux options:
- Procéder par imitation & Essais/Erreurs
- Chercher l’aide d’un instructeur ou manuel d’instruction
Cette seconde approche est selon Dreyfus bien plus efficiente et dans certaines activités plus risquées, carrément essentielle ! Si les pilotes d’avion devaient apprendre par essais/erreurs, peu survivraient à leur formation !
Les frères Dreyfus ont, dans le cadre de leur étude, analysé et interrogé des personnes au cours des différents stades de leur acquisition de compétences.
Selon eux, l’expérience conditionne l’acquisition de compétences pour atteindre un haut niveau de performance. Leur étude a mis en évidence 5 stades par lesquels l’apprenant doit passer pour devenir, au dernier stade un expert.
Pour chaque étape, ils ont identifié les capacités que l’apprenant a pu développer et celles qu’il était a postion d’atteindre.
2-. Les 5 stades adaptés aux médias sociaux
- Le novice
Le novice n’a pas d’expérience (professionnelle) des médias sociaux. Il mettra en oeuvre des actions pour obtenir rapidement des résultats mais ne comprendra pas les mécanismes permettant d’y arriver. Bien souvent la réussite ou, plus probablement, l’échec de ses actions sera dû au simple facteur chance.
Il va suivre des règles simples et rigides sans pouvoir les adapter au contexte dans lequel il évolue.
Prenons l’exemple du Meilleur moment pour poster sur les réseaux sociaux:
si diverses études ont été faites pour essayer de tirer des enseignements de ce qui se fait sur un nombre relativement grand de pages, cela ne veut pas dire que les périodes mises en évidence par ces études sont celles qui conviennent le mieux à votre activité. Le novice sera incapable d’adapter ces données à son environnement. Il se contentera de poster selon les chiffres qu’il a obtenu.
- Le débutant
Grâce à ses premières expériences, le débutants aura fait face à des situations concrètes lui permettant de trier les facteurs signifiants/insignifiants revenant dans des situations identiques. De grandes lignes d’actions commencent donc à être assimilées.
Il n’a pas encore la capacité de hiérarchiser les différents aspects identifiés et donc de définir des priorités.
A ce stade, le débutant n’a pas encore développé de comportements naturels. Dès l’apparition du moindre problème, il se réfère aux règles qui lui ont été édictées .
De nombreuses situations laissent à penser que des pages Facebook sont gérées ou ont été gérées uniquement par des personnes étant à ce stade d’expertise.
Une partie des erreurs de community managers citées dans ce billet ont pour origine le manque d’expertise. Les Community Managers qui vont censurer, fermer leur page ou encore la déserter sont ceux qui se retrouvent désarmés face à des situations qu’ils ne savent pas gérer car les règles auxquelles ils se réfèrent ne leur sont alors d’aucune aide.
Pour étayer le propos, voici la capture d’un post de community Manager qui visiblement rame pour améliorer son Edge Rank et pratique donc la coercition vis à vis de sa communauté.
- Le compétent
Au bout d’un certain temps de pratique, les expériences deviennent plus nombreuses.
L’apprenant peut désormais hiérarchiser ses actes et les percevoir en terme d’objectifs en les intégrant dans une perspective.
Un tri se fait donc entre les éléments selon leur importance. L’apprenant est capable de faire face à des situations imprévues et donc de résoudre d’éventuels problèmes. L’application stricte des règles de départ fait donc place au discernement et à l’utilisation des expériences antérieures pour gérer des situations.
Deux situations qui paraissent identiques mais qui se déroulent avec des perspectives ou dans des contextes différents sont maintenant traitées de deux manières bien distinctes. Cela permet à l’apprenant d’appliquer l’action la plus adéquate à chaque situation.
- Le performant
L’intuition remplace progressivement les diverses règles et la théorie face aux diverses situations rencontrées. Le mécanisme décisionnel se fait toujours de façon consciente, même si l’intuition commence à jouer un rôle.
Le performant va développer son intuition en étant attentif aux expériences extérieures, par exemple d’autres pages Faceboook, et en faisant des analogies avec sa situation.
La phase d’analyse est considérablement réduite car, à ce stade, l’apprenant ressent les choses. C’est cette partie de la gestion qui devient automatique dans l’esprit. La phase décisionnelle qui en découle, reste elle, très pensée.
- L’expert
L’expert a une vue globale de la situation. Jusqu’à ce stade, l’apprenant avait besoin de se référer à des règles analytiques (charte, termes de services, règles,..) pour établir un lien entre la situation générale et l’action à mener. A présent, grâce à son expérience, l’expert pourra faire appel à son intuition pour gérer toutes les situations. Cela a été rendu possible car à chaque type de situation est désormais associée une réponse spécifique.
L’expert « sent » les choses, il ne prend plus que rarement de décisions car ce qu’il faut faire lui apparait évident. Contraindre l’expert à respecter un carcan trop strict ou lui appliquer des règles rigides le rendent même moins performant.
Quand le Community Manager va découvrir un message embarrassant à propos de sa marque, il va « naturellement » savoir comment réagir. Quand il va lire un message qui peut paraître anodin pour les novices ou débutants, il va trouver une idée pour l’exploiter.
C’est ce qui est arrivé à Thomas Cook ! Thomas Cook, vous connaissez ?
C’est une agence de voyage ? Perdu !!
C’est une personne qui est homonyme à l’agence de voyage. Le gars a probablement dû subir par mal de blague plus ou moins lourdingue à cause de cela…. tant et si bien qu’un beau jour de novembre 2012, il est allé sur la page Facebook de Thomas Cook pour demander « en dédommagement » un week end à Paris payé par le Tour Opérator.
Comme vous pouvez le constater, le Community Manager n’a pas vu, et n’a donc pas saisi, d’opportunité dans ce message qui doit malgré tout être inhabituel.
Mais cette opportunité n’est pas passée inaperçue aux yeux de tous. Charlotte Hunt de Lowcosthollidays.com, un concurrent de Thomas Cook a senti le buzz possible.
Ils ont répondu à Thomas Cook, sur le mode de l’empathie et de l’humour, qu’ils allaient lui offrir 1 semaine entière à Paris:
Résultats :
- une image positive donnée par rapport à un concurrent et surtout un Buzz important avec des articles un peu partout et notamment dans le Daily Mail (source images).
- Des sites allant jusqu’à utiliser le terme FacebookJacking !!
- Des dizaines de milliers de partages sur les réseaux sociaux
3-. Conclusions
Il est important de savoir à quel niveau d’expertise se situe la ou les personnes qui vont gérer la présence opérationnelle en ligne d’une marque ou entreprise. Le niveau d’expertise dépend directement de l’expérience acquise.
Le web ayant une très bonne mémoire, vous pourrez facilement retrouver les traces de l’activité des personnes que vous souhaitez engager ou des agences avec qui vous souhaitez contracter. Il est bien évident qu’avoir ouvert un compte Twitter depuis 6 mois n’est pas un gage d’expertise !
Le Community Management ne s’improvise pas et il est impensable de laisser la seule responsabilité de cette mission à des personnes qui n’ont pas assez d’expérience et donc, selon Dreyfus de compétences. Certaines tâches peuvent être déléguées à des Community Managers peu expérimentés mais aux conditions suivantes:
- un cadre déterminé
- l’accès à des personnes de référence
- des aptitudes pour la fonction